L'intestin, notre deuxième cerveau

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Depuis des siècles, l'humanité connaît l'importance vitale de l'intestin dans notre digestion. Pourtant, au cours des dernières décennies, les chercheurs ont découvert une relation fascinante entre nos intestins et notre cerveau, et ce, bien au-delà de la simple fonction digestive. Cette relation, parfois appelée l'axe intestin-cerveau, met en lumière la communication complexe entre ces deux organes, transformant l'intestin en un véritable "deuxième cerveau".

L'intestin, considéré pendant longtemps comme un simple organe de digestion, est aujourd'hui vu comme un centre d'une importance capitale pour notre bien-être mental et physique. Comment ces deux systèmes, apparemment indépendants, interagissent-ils ? Quels sont les liens qui unissent le cerveau et les intestins, et quel rôle joue le microbiote dans ce processus ? Découvrons ensemble ce fascinant domaine d'étude.

Le terme "deuxième cerveau" a été attribué à l'intestin grâce à sa grande capacité à fonctionner indépendamment du cerveau principal. En effet, l'intestin est doté d'un système nerveux autonome appelé le système nerveux entérique (SNE). Ce dernier est capable de réguler de nombreuses fonctions, comme la motilité intestinale, la sécrétion d'enzymes et la gestion de la douleur digestive. Avec environ 100 millions de neurones — soit plus que dans la moelle épinière — l'intestin possède une densité neuronale comparable à celle du cerveau. Ce n'est donc pas un hasard si ce "deuxième cerveau" a un impact direct sur notre humeur, nos émotions et nos comportements.

L'axe intestins-cerveau

L'axe intestin-cerveau fait référence à la communication bidirectionnelle entre l'intestin et le cerveau. Ce mécanisme complexe repose sur plusieurs voies, dont les principales sont :

  1. Le nerf vagal : Ce nerf, l'un des plus longs de notre corps, relie directement l'intestin au cerveau. Il transmet des signaux de l'intestin vers le cerveau et inversement. Ce nerf joue un rôle clé dans la gestion de l'humeur et de la réponse au stress.
  2. Les molécules et hormones : Des substances comme la sérotonine, la dopamine et le GABA, qui sont liées à la régulation de l'humeur, sont produites en grande quantité dans l'intestin. En fait, environ 90% de la sérotonine, connue sous le nom d'hormone du bonheur, est produite dans l'intestin.
  3. Le microbiote intestinal : Il s'agit de l'ensemble des micro-organismes (bactéries, champignons, virus) vivant dans notre intestin. Ce microbiote joue un rôle crucial dans la communication intestin-cerveau, en influençant les processus cérébraux et en modulant notre réponse au stress, notre humeur et même nos comportements alimentaires.

Le microbiote intestinal : un acteur clé

Le microbiote intestinal, souvent désigné comme notre "microbiome", est une communauté bactérienne qui réside principalement dans le colon. Il joue un rôle essentiel dans la digestion des aliments, mais ses fonctions vont bien au-delà. Des études récentes ont révélé que le microbiote intestinal peut influencer directement notre cerveau, en envoyant des signaux via l'axe intestin-cerveau.

Une des principales façons dont le microbiote affecte notre cerveau est en produisant des neurotransmetteurs. Par exemple, certaines bactéries intestinales sont capables de produire de la sérotonine, un neurotransmetteur clé dans la régulation de l'humeur. Des déséquilibres dans la composition du microbiote ont été associés à des troubles de l'humeur tels que la dépression et l'anxiété. Ainsi, un microbiote déséquilibré pourrait jouer un rôle dans la genèse de troubles neuropsychiatriques.

De plus, des recherches ont montré que le microbiote peut influencer le développement de certaines maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson et la sclérose en plaques. Les scientifiques ont également observé que les modifications du microbiote pourraient altérer la fonction cognitive, le comportement social et la capacité à gérer le stress.

Le rôle de l'alimentation dans l'équilibre cerveau-intestins

L'alimentation joue un rôle crucial dans le maintien de l'équilibre entre le cerveau et les intestins. Une alimentation riche en fibres, en probiotiques et en prébiotiques est essentielle pour favoriser un microbiote équilibré et une communication efficace entre les deux systèmes.

  • Les fibres sont la principale source de nourriture pour les bonnes bactéries intestinales. Les aliments riches en fibres comme les légumes, les fruits, les légumineuses et les grains entiers contribuent à nourrir et soutenir la croissance d'un microbiote diversifié et sain.
  • Les probiotiques sont des micro-organismes vivants qui, lorsqu'ils sont consommés en quantités suffisantes, peuvent améliorer l'équilibre du microbiote intestinal. On les trouve dans des aliments fermentés comme le yaourt, le kéfir, la choucroute, ou encore le kimchi.
  • Les prébiotiques, quant à eux, sont des substances non digestibles qui favorisent la croissance et l'activité des bactéries bénéfiques dans l'intestin. Les prébiotiques sont présents dans des aliments comme l'ail, les oignons, les poireaux et les bananes.

Une alimentation déséquilibrée, riche en sucres raffinés et en graisses saturées, peut altérer la composition du microbiote, réduisant ainsi la production de neurotransmetteurs bénéfiques et influençant négativement notre humeur et notre santé mentale.

Stress et impact sur l'axe intestin-cerveau

Le stress, qu'il soit chronique ou aigu, affecte également l'axe intestin-cerveau. En période de stress, notre corps libère des hormones comme le cortisol, qui peuvent perturber le fonctionnement normal de l'intestin. Cela peut provoquer des troubles digestifs tels que le syndrome de l'intestin irritable (SII), ainsi qu'une altération de la composition du microbiote. À l'inverse, des troubles digestifs peuvent aussi affecter la santé mentale en exacerbant l'anxiété, la dépression et la mauvaise humeur.

Les chercheurs s'accordent à dire qu'un stress prolongé ou mal géré peut avoir des effets délétères sur la santé intestinale, et par conséquent sur la santé cérébrale. Cela renforce l'importance de gérer son stress par des techniques de relaxation comme la méditation, le yoga ou l'exercice physique pour maintenir un équilibre optimal entre le cerveau et les intestins.

Conclusion

La relation entre le cerveau et les intestins est un domaine fascinant qui révèle à quel point nos systèmes nerveux et digestif sont interconnectés. L'intestin, souvent décrit comme notre "deuxième cerveau", joue un rôle clé dans notre bien-être global, influençant non seulement notre digestion mais aussi notre humeur, notre comportement et notre santé mentale.

Maintenir un microbiote intestinal équilibré grâce à une alimentation saine, à la gestion du stress et à l'intégration de pratiques de bien-être peut contribuer à favoriser une communication harmonieuse entre ces deux organes vitaux. À l'avenir, les recherches sur l'axe intestin-cerveau pourraient ouvrir de nouvelles perspectives pour traiter des troubles neuropsychiatriques et améliorer notre qualité de vie.

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